Solitude, pour nous vivants, pleins de sève, tu es, épreuve insolite dêtre sans savoir, qui nous fait languir d'un visage en qui nous connaître, avec qui nous reconnaître et découvrir par-delà nos dissemblances et nos différences, par-delà nos séparations dans le temps et l'espace, la joie de la communication, l'ardeur d'un vivre qui, dans chacun de nos corps, à ses besoins, à ses limites réduit, est à sa déresse confiné.
Qu'en sera-t-il, solitude ennemie, quand sans plus pouvoir te fuir, notre sève ralentie, prête à se figer, et le vivre avec ce corps épuisé, viendra l'heure de notre mort? Seras-tu le gouffre, le néant qui nous guettait vivants et qui nous engloutira?
Solitude et Communication, qui alternez tout le long de la présence sur terre du phénomène humain, que serez-vous quand s'achèvera notre appartenance au temps, que plus rien en nous du désir renouvelé ne quêtera ni avoir, ni échanges, ni faire, ni penser, ni dire possible; quand asistés nous serons, peut-être, sans plus les entendre ni les voir, par nos proches, confrontés par nous au mystère d'un destin qui s'achève, d'un regard qui d'éteind?
Solitude de l'agonie, au moment venu de la séparation dernière de ce corps toujours connu et reconnu mien au sortir des sommeils, quand quitus j'aurai donné à ce cadavre, qui de moi, je ou lui, sera chose tienne?
Comme à l'heure de notre naissance, nous avons aux entrailles de notre mère parturiente laissé notre délivre en poussant notre premier cri pour sa joie, conjointe à celle de notre père - les premiers pour qui avait signifiance de communication notre premier cri - n'est-ce pas aussi une enveloppe qu'alors nous saurons ce corps avoir été quand, à l'heure de notre mort, avec le dernier souffle,nous le laisserons aux derniers battements de son viscère coeur? Ce coeur, honneur lui soit rendu, inlassable et courageux, jusqu'à la fin notre allié, et qui, délivré de sa charge, ne sera plus nôtre.
La terre, pleine de vie briussante, donnera place à ce corps laisé en sépulture uù d'autres l'auront confié. La terre où l'on précédé notre placenta et toutes choses qu'à elle prises nous lui avons au long de notre vie rendues. Celles, faites de ses éléments, que nous avons crues nôtres, celles que de nos mains nous avons façonnées, gardées, troquées ou données, celles que des mains des autres nous avons reçues, utilisées, aimées, toutes ces choses resteront après nous pour l'indifférebce, l'usage ou le plaisir des autres jusqu'à leur destruction chacune en son temps venu.
C'est en vain, Solitude, que tu t'appliqueras à garder pour toi la chose à toi laissée, ce cadavre qui tout à l'heure corps encore vivant nous défendait de toi, moi intriqué à ce je qui au souffle du seulesprit n'osais encore prétendre; mais dans la paix des cimetières il te sera dérobé. La vie d'autre créature, de celles qui ne te craignent pas, toutes à leur besogne, vie dans sa multiforme manducance, aux entrailles de la terre, dissoudra juqu'à l'apparenece de corps à ce cadavre, et c'est en poussière que ses os finiront, échappant à être chose.
Sloitude et Communication, crédibles et fallacieuses magies dans voire alternance à nos corps mortels, l'êtes-vous pour notre dérision ou pour notre initiation à toutes deux vous dépasser?
Solitude insolite, séduisante et redoutable selon les jours, tu es dévitalisante ou stimulante pour notre désir qui découvrait son génie, tour à tour en son passif et en son actif ardent, en son féminin ou en son masculin. Désir ainsi soutenu à découvrir ses aptitudes par-delà les séparations, les deuils et l'abandon des autres, soit à se réfugier dans le bienfaisant sommeil (lui-même repos ou communication avec l'invisible), soit à découvrir la communication avec la nature tout entière dans la paix du coeur ou la méditation, ou avec les humains présents ou absents, disparus et à venir, par la compréhension du sens de leurs langages et par-delà le temps et l'espace des oeuvres qui transmettent leur message
Slitude, parfois piège à nos viscères et à botre chair, communication, piège à notre désir acculé à son contraire, toutes deux sources de joie et de douleurs, vos masques tomberont-ils en nous délivrant, notre agonie passée, le sens véritable de notre existence sur terre, au moment où nous quitterons ce qui conjoignait espace et temps à l'alternante clarté de notre soleil, à notre ambiguë appartenance aux apparences?
Ce sens, c'est lui que nous cherchons dans la solitude et dans la communication, le pistant tout au long de notre plus ou moins long et plus ou moins difficile chemin que notre vivre à chacun nous fait tracer. Ce sens inconnaissable de notre humble nécessité parmi les créatures animées ou inanimées (peut-être avant nous, hasardeuses manifestations), ce sens parfois nous l'avons pressenti en nos instants de grâce, quand tout ayant place et ordre, nous l'avons soudainement, indubitablement aperçu l'instant d'un éclair dans nous ne savons quelle lucidité.(....)
Françoise DOLTO, "La mort:clameurs et chuchotements", in "Solitude".