(...)Dans les anciennes sociétés agraires, il existait toutes sortes de dominations et de rapports de dépendance personnelle, mais pas de dictature de l'abstraction travail. Certe les activités de transformation de la nature et les rapports sociaux n'étaient pas autodéterminés. Mais ils n'étaient pas non plus soumis à une dépense abstraite de force de travail, ils s'intégraient dans un ensemble de règles complexes constituées de préceptes religieux, de traditions culturelles et sociales incluant des obligations mutuelles.
Chaque activité se faisait en un temps et en lieu précis; il n'existait pas de forme d'acivité abstraitement universelle. C e n'est que le système de production marchande moderne fondé sur la transformation d'énergie humaine en argent, transformation permanente et érigée en fin en soi, qui a engendré une sphère particulière, dite du travail, isolée de toutes les autres relations et faisant abstraction de tout contenu - une sphère caractérisée par une activité subordonnée, inconditionnelle, séparée, robotisée, coupée du reste de la société et obéissant à une rationalité des fins abstraites, régie par la logique d'entreprise, au-delà de tout besoin.
Dans cette spère séparée de la vie, le temps cesse d'être vécu de façon active et passive; il devient une simple matière première qu'il faut exploiter au mieux:"le temps, c'est de l'argent". Chaque seconde est comptée, chaque pause-pipi est un scandale, chaque brin de causette un crime contre la finalité de la production devenue autonome. Là où l'on travaille, seule de l'énergie abstraite doit être dépensée. La vie est ailleurs - et encore, la cadence du temps de travail s'immisçant en tout! Dès l'enfance, on est dressé en fonction de la montre pour être "efficaces" un jour, les vacances servent à reconstituer la force de travail, et même pendant les repas, les fêtes ou l'amour, le tic-tac des secondes résonne dans nos têtes.(...)
Extrait de Krisis: "manifeste contre le travail".