PARIS (Reuters) - François Fillon
annonce 250 millions d'euros et un plan pluriannuel pour la prise en charge et
l'hébergement des sans-abri, des mesures jugées décevantes par les associations
de lutte contre l'exclusion.
"La priorité du gouvernement est de faire en sorte qu'il n'y ait personne qui
soit contraint de dormir dans la rue", a réaffirmé le Premier ministre à l'issue
d'une réunion à Matignon avec les associations.
Le chef du gouvernement les avait déjà reçues le 19 décembre, à la suite de
la tentative des Enfants de Don Quichotte de réinstaller un camp de tentes à
Paris, mais le "contrat commun" qu'il avait promis pour le 15 janvier n'a pas vu
le jour, les associations refusant d'y souscrire.
Le député UMP des Yvelines Etienne Pinte, chargé d'arrêter des propositions
en collaboration avec les associations, qui ont soumis "treize axes
d'engagement" au gouvernement, a finalement remis mardi son rapport.
Au nombre des "mesures immédiates", François Fillon a retenu une hausse des
crédits de 25% par rapport à 2007 pour l'hébergement des sans-abri et la
réhabilitation de l'habitat insalubre - une enveloppe supplémentaire de 250
millions, bien en-deçà des attentes des associations qui évaluaient de 1,5 à 1,7
milliard d'euros les besoins pour 2008.
Un poste de "super-préfet" sera créé, sous l'autorité du Premier ministre,
afin de coordonner sur le terrain les actions en faveur des sans-abri, qui sont
estimés à 200.000 en France.
Sur le long terme, le gouvernement engagera un plan pluriannuel, qui répond
partiellement aux attentes des associations et nécessitera des aménagements
législatifs.
"Les politiques publiques ne doivent plus alimenter la précarité", a souligné
François Fillon, insistant sur la nécessité de ne laisser personne à l'écart de
circuits d'insertion saturés.
Nombreuses sont les personnes sortant d'institutions publiques (foyers de la
Dass, prisons, hôpitaux psychiatriques...) qui échouent aujourd'hui dans la
rue.
AU MOINS 30% DE LOGEMENTS SOCIAUX
Le plan renforcera en outre le dispositif de prévention des expulsions
locatives. La commission de prévention des expulsions devra être
systématiquement saisie, avec l'obligation d'une enquête sociale. Des
instructions seront données aux préfets "pour que personne ne puisse être
expulsé sans qu'une solution d'hébergement digne soit proposée", a précisé
François Fillon.
Un programme de réhabilitation des centres d'hébergement et d'augmentation
des capacités sera mis en oeuvre.
Le gouvernement entend "se donner les moyens" d'appliquer la loi du 5 mars
2007 instituant le droit au logement et à l'hébergement opposables. Quelque
600.000 personnes sont éligibles au Dalo, entré en application le 1er
janvier.
"L'Etat mettra tout en oeuvre pour réaliser les objectifs de rattrapage du
plan de cohésion sociale (du 8 janvier 2007, NDLR), et du PARSA (Plan d'action
renforcé en faveur des sans-abri) aux fins de construire 20.000 logements par an
et 9.000 places de maisons relais d'ici à 2012", a dit le Premier ministre.
Pour toute ville "en constat de carence" au regard de la loi SRU, l'ensemble
des programmes de construction de l'année "devront comprendre une part d'au
moins 30% de logements sociaux". Le préfet disposera d'un droit de préemption
sur le parc immobilier existant.
La loi solidarité et renouvellement urbain, votée en décembre 2000, impose
aux communes de plus de 3.500 habitants (1.500 en Ile-de-France) qui
n'atteignent pas le seuil de 20% de logements sociaux d'engager un plan de
rattrapage pour atteindre cet objectif d'ici à 2020, sous peine de sanctions
financières.
"Nous allons continuer à négocier. Pour le moment, ça reste des mots", a
déploré Nicole Maestracci, présidente de la Fnars, la Fédération nationale des
associations d'accueil et de réinsertion sociale.
Etienne Pinte est chargé de "poursuivre le dialogue" jusqu'en juin.
"Nous avions demandé un saut qualitatif et quantitatif, (...) on n'a pas été
entendus", a déclaré pour sa part Patrick Doutreligne, délégué général de la
Fondation Abbé Pierre.
Augustin Legrand, porte-parole des Don Quichotte, a exprimé "une colère
froide", appelant à "une mobilisation très forte" des mal-logés pour
"contraindre le gouvernement à avancer".
"Il y a un type qui a perdu 5 milliards d'euros à la Société Générale, et
c'est pas très grave, et nous on ressort avec 250 millions d'euros alors qu'on
demandait 2 milliards", a-t-il dit.
Sophie Louet